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Photo du rédacteurSébastien Saffon

Nouvelle d'été : Autan... que ça bouge (épisode 2)

Dernière mise à jour : 5 janv.


Voici la suite et la fin de la nouvelle entamée la semaine dernière, une fantaisie sur le vent d'autan et l'Occitanie écrite l'année dernière et qui a obtenu le 3e prix du concours de nouvelles de la Section Régionale Interministérielle d'Action Sociale d'Occitanie en 2021. Du haut d'un promontoire, un vieil homme au soir de sa vie contemple les paysages dans lesquels il a évolué et engage une discussion avec le vent d'autan....


La première partie de cette nouvelle est à décourvrir ici :


A l’automne, dans les penchants, sur les reliefs doux, quand les charrues dessinent des sillons réguliers comme on remet de l’ordre dans une chevelure décoiffée avec un peigne en corne, l’Autan s’acharne à disperser les vestiges de la saison précédente. Quand la vendange est en cuve, quand les ormeaux, les peupliers renoncent à leur parure verte et que les houppiers confrontent leurs ocres, leurs rouges, leurs orangés, il met fin à ce tableau en arrachant une à une les feuilles rondes, les feuilles oblongues, les feuilles dentelées pour les éparpiller.

Et ça dure, et ça dure, trois, six, neuf ou douze jours et plus encore…

— Tu vas encore me reprocher de vous rendre fous ? D’être le vent du Diable ?

— Tu exagères toujours !

— Qu’y puis-je, moi, si vous êtes aussi sensibles et si vous avez le sommeil tellement léger ? Qu’y puis-je si les nuits raccourcies vous mettent de mauvais poil et tourneboulent votre esprit ? D’ailleurs je fais des efforts, sous la lune, je ralentis quelque peu ma course. Pour preuve, n’entendez-vous pas les chiens au loin qui jappent et s’inquiètent de l’épaisseur de la nuit ?

— J’entends surtout ton mugissement dans le canon de la cheminée… Les volets que tu fais grincer et les parquets qui craquent…

— Que veux-tu, je suis comme ça, un peu facétieux, un peu farceur… Et puis, je ne vous prends pas par surprise ! Quand, de la plaine, depuis vos fenêtres, vos balcons, vous distinguez la chaîne des Pyrénées, vous savez que le territoire occitan sera mien dès le lendemain…

Dans les champs, les villages, les villes, je vous entends dire « L’Auta, va bufar »

L’Autan va souffler… Et il souffle, s’engouffre dans le goulet d’étranglement entre Montagne Noire et Pyrénées, se lance dans les plaines et les vallons, arase les collines, soulève la poussière. Il est l’Autan Noir, il est l’Autan blanc, il est multiforme, il effeuille au passage toute la rose des vents.




— Je fais le lien entre les territoires, j’unis les géographies, les monts, les collines, les vaux les lacs, la mer, les fleuves et les canaux, les routes et les chemins, les prés et les villes. Ils se connaissent tous parce que je suis là, ils ne font qu’un parce que je les relie.

Il n’a pas tort. Cette fois encore…

Il se fait tard et le soleil, au loin, se rapproche de l’horizon. Le crépuscule ne tardera plus. Il va falloir que je rentre. Mais, je ne peux m’empêcher une dernière provocation :

— Et les Hommes alors ? Penses-tu que tu les réunisses ?

Il se pose, se fait brise soudain, un souffle léger à peine perceptible… Touché !

— Les Hommes, vous, les Hommes, n’avez-vous pas besoin de moi ?

— Besoin ? Je ne sais pas mais nous avons appris à faire avec tes caprices.

— Je sais, mugit-il, orgueilleux, je suis un peu le grand ordonnateur. Je fais pousser les arbres de travers. Mais contemple donc le sens dans lequel vous avez construit vos habitations, les métairies d’autrefois, dans cette orientation qui respecte le sens de mon chemin…

— C’est pour ne pas que tu brailles dans les tuiles !

— Peut-être est-ce seulement pour mieux contempler ma course ?

— Crois-tu ? Nous avons pris soin de faire des murs aveugles aux pignons de nos maisons pour ne pas que les huisseries claquent sous tes bourrasques, que les vitres ne se brisent quand tu t’emportes… Tu te comportes en garnement bien souvent.

— Mais je vous aide bien, parfois lors des moments où vous vous réunissez.

— Que veux-tu dire ?

Il m’intrigue. Il tournoie, se tourmente, se fait courant d’air léger, soulève un trait de poussière. Il semble presque hésiter.

— Écoute, écoute… n’entends-tu rien ? cingle-t-il soudain.

Je me tais un instant. En tendant l’oreille, je distingue une clameur au loin, elle est mélange de cris, d’applaudissements et d’encouragements…

— Un match de rugby, dis-je en souriant

— Oui, j’aime porter la voix des supporters lorsqu’ils s’enflamment pour leurs équipes, j’aime détourner – un peu - la trajectoire du ballon… ça rajoute dun peu de sel au suspense en Ovalie…Mais écoute, écoute encore ! Escota plan ! Tu entends ?

Là-bas dans la vallée, quelques refrains…

— J’aime aussi porter la musique de vos fêtes et vos festivals… jouer avec le son des accordéons, des bodegas et des rebecs ou celui des guitares rock… J’aime me glisser le long des péniches du Canal du Midi pour faire chanter les arbres et emporter les notes des guinguettes et des petits bals pour les faire savoir à tous… J’aime emmener avec moi le fumet appétissant des mounjetades servies sur les places de village…

— Parlons-en…

— Je sais, vous vous agacez parfois quand je traîne les soirs de fête sur les places, près des clochers-murs ou des campaniles, des écoles ou des mairies. Je sais, je fais claquer un peu fort les toiles des barnums, je soulève les nappes, secoue les lampions, renverse parfois quelques verres vides... Que veux-tu c’est ma nature de plaisantin… Mais dis-toi bien que, pendant que je fais tout ça, je retiens au loin la pluie ou l’orage, ces petites gouttes qui menacent la durée de vos festivités… C’est ma façon de participer, de faire la fête avec vous.

Du soleil, ne dardent déjà plus que les derniers rayons. J’ai trop traîné ici. La nuit est presque là. Au milieu de la musique et des bravos, au milieu des rires et des flonflons, je vais m’endormir. Il me tient la main, mon ami fidèle, mon compagnon de toujours. Son souffle chaud m’enveloppe comme pour me bercer. Je n’ai pas la force de redescendre cette fois. Pas pour le moment. Qu’importe. C’est ici que je suis bien et je vais y dormir un peu en attendant…



A bientot pour de nouvelles aventures d'écriture. Cet été, le 2e tome de la Borde Perdue est relu avant de partir vers les Editions Il est Midi pour publication à l'automne. Et un nouveau roman voit peu à peu le jour, il traitera encore de ce Lauragais d'antan avec de nouveaux personnages àdécouvrir.


En avril, le feuilleton "Ceux de la Borde Perdue" est paru aux éditions Il Est Midi. Le livre est disponible commande chez votre libraire, au Tabac Presse Massip à Baziège, à la Librairie du Beffroi à Revel, à la librairie Calmy à Castelnaudray et à Hyper U Villefranche de Lauragais mais aussi les plateformes habituelles .


Vous pouvez aussi le commander en suivant le site des Editions Il est Midi (port gratuit et réduction de 20% actuellement avec le code ETE2022 ) :



Renseignements mail/contact : contact@bordeperdue.fr


Je vous souhaite un bel été

Sébastien

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